Claire Ly
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Le bouddhisme khmer (suite)
Les grandes fêtes traditionnelles

La fête du Sillon sacré et la fête des Mânes illustrent bien cette symbiose harmonieuse entre les trois religions.

La fête du Sillon Sacré - Bon Chrât Preah Nongkâl

Elle marque le début de la saison des pluies et celle des travaux agricoles. Le roi, ou son représentant, ouvre la saison des labours en traçant, à l'aide d'une paire de boeufs sacrés, les trois premiers sillons de la rizière sacrée. Celle-ci se trouve au nord du palais royal, Veal Mean. Les Bakkou, brahmanes du Palais royal jouent un rôle très important dans cette cérémonie. Rituellement, cette fête a lieu le quatrième jour de la lune décroissante de mai. Durant les trois jours qui précèdent, les brahmanes prient Çiva, le dieu suprême de l'hindouisme qui rythme la vie et la mort. Cette divinité, très présente au Cambodge, est souvent représentée sous la forme du linga. A la fin de la cérémonie, les Bakkou feront les prédictions sur la qualité de la récolte pour l'année à venir en interprétant le choix des bœufs sacrés. Sept récipients contenant respectivement du riz, du maïs, du sésame, des haricots, de l'eau, du vin de palme et de l'herbe fraîche ont été déposés devant les bœufs. En fonction du choix des bœufs, la récolte sera bonne ou non. Le 12 mai 2009, les bœufs se ruaient sur le maïs et sur les haricots. Le chef des bakkou a jugé que la récolte sera bonne même si l'eau ne tombera pas en grande quantité. Le royaume, lui, connaîtra la paix. Des épizooties sont à redouter si les boeufs choisissent l'herbe; le choix de l'alcool est signe des pires calamités.

Incontestablement, cette fête est le vestige de la religion brahmanique. Tous les bouddhistes accordent un crédit certain aux prédictions des Bakkou qui implorent publiquement Çiva. C'est le monde sensible, lokey ou lokiya, qui est concerné. Bouddha est bien au dessus de Çiva, car son enseignement vise l'ultime, lokuttara.

La fête des mânes - Bon Pchum Bèn

Il s'agit ici de la plus grande fête bouddhique au Cambodge. Pendant la saison des pluies, les bonzes observent le Vassa (la retraite des pluies). C'est une période de trois mois lunaires pendant laquelle les moines doivent rester dans le monastère et éviter les longs déplacements. Le peuple khmer est très occupé pendant cette période par les travaux de la rizière. Les fidèles ne peuvent pas toujours apporter des offrandes à la pagode. La tradition a instauré un ordre où des fidèles doivent tour à tour apporter des aliments à la pagode. Mais trois mois c'est long pendant la période où chacun est très pris par les soins que nécessitent les jeunes pousses de riz. L'organisation de ce tour d'offrande est donc limitée à 15 jours. Elle commence le 1er jour de la lune décroissante du mois de septembre. Le 15è jour est un véritable jour de fête où toute la communauté bouddhique se réunit à la pagode. C'est Bon (fête), Pchum (réunir), Bèn (offrande). Dans le premier sens du mot, Pchum Ben est une occasion pour se réunir et apporter les aides nécessaires aux moines et aux monastères sur le plan matériel en général.

Mais, avec la religiosité populaire, cette fête s'est transformée en celle des Mânes. Selon la tradition, en ce mois où le ciel est obscurci par les nuages de la mousson, Yâma, le roi des Enfers, libère les âmes des morts pour qu'elles se mêlent un temps aux vivants. Ces âmes rôdent de pagode en pagode pour chercher à se nourrir et surtout à bénéficier des bon kosâl (mérites positifs) que les vivants leur adressent par leur offrande aux bonzes. Ces bon kosâl leur permettent de mettre fin à leur à leur état d'errance et de prendre corps comme êtres vivants. Si, ayant cherché au moins dans sept pagodes, ces esprits ne trouvent pas leur part d'offrandes, ils maudiront leur famille...

C'est ainsi qu'une fête de solidarité envers la pagode devient la fête des Mânes ou la fête des Morts.

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